Le Crowdfunding au Maroc : Une Opportunité pour Financer les Projets Innovants

Découvrez comment le crowdfunding au Maroc révolutionne le financement des projets innovants. Explorez ses avantages, le cadre législatif, les plateformes clés, les facteurs de succès et conseils pour réussir votre campagne.

NASSIMI Abdelhakim

1/7/202512 min temps de lecture

Le crowdfunding, ou financement participatif, s’impose progressivement comme une alternative de choix pour financer des projets créatifs, sociaux, ou entrepreneuriaux. Ce modèle, qui repose sur la mobilisation de fonds à travers une multitude de contributeurs, offre des opportunités uniques dans un pays comme le Maroc. Mais quel est l’état des lieux de ce mode de financement dans le Royaume ? Quels sont les cadres réglementaires qui le soutiennent ? Et quels facteurs contribuent à son succès ? Cet article propose une analyse détaillée de la situation du crowdfunding au Maroc.

Le Cadre Législatif et Réglementaire

Le Maroc a franchi plusieurs étapes décisives dans le domaine du crowdfunding au cours des dernières années, consolidant progressivement un cadre législatif et réglementaire propice à son développement. En mars 2016, la première conférence dédiée au financement participatif s’est tenue à Rabat sous le patronage du ministère de l’Économie et des Finances, avec le soutien de l’ambassade des États-Unis. Cette rencontre a marqué un premier jalon en réunissant des experts, décideurs et acteurs clés pour explorer le potentiel du crowdfunding au Maroc. En mai 2017, la création de la Fédération Marocaine de Crowdfunding (FMC) a permis de structurer l’écosystème en fédérant divers acteurs et en amorçant une réflexion collective sur les besoins réglementaires et opérationnels. Cette dynamique a conduit, en mars 2018, à la présentation d’un avant-projet de loi sur le financement participatif au gouvernement, marquant ainsi une étape importante dans l’institutionnalisation de ce modèle de financement alternatif.

Le 11 février 2020, le Parlement marocain a adopté la loi n° 15-18 sur le financement collaboratif, promulguée et publiée au Bulletin Officiel le 9 mars 2021 sous le Dahir n° 1-21-24. Cette loi constitue un tournant majeur, dotant le pays d’un cadre juridique clair et opérationnel pour encadrer les activités de crowdfunding. L’objectif principal de cette législation est de faciliter l’inclusion financière des jeunes entrepreneurs, tout en stimulant le développement économique et social à travers une alternative novatrice aux modes de financement traditionnels. La loi encadre trois formes principales de financement participatif : le don, le prêt et l’investissement, offrant ainsi une flexibilité adaptée aux besoins variés des porteurs de projets. Elle impose également des conditions rigoureuses aux plateformes, telles qu’un capital social minimum de 300 000 dirhams, tout en garantissant la sécurisation des transactions et la protection des contributeurs.

Les points clés de la loi 15-18 :

  1. Les Catégories de Crowdfunding : La loi reconnaît trois formes principales de financement participatif : le don avec ou sans récompense, le prêt participatif, et l’investissement participatif.

  2. Les Acteurs : La loi définit le rôle des plateformes, des porteurs de projets, et des contributeurs. Les plateformes doivent obtenir un agrément délivré par Bank Al-Maghrib ou l’Autorité Marocaine des Marchés des Capitaux (AMMC), selon le type d’opération.

  3. Plafonds : Pour prévenir les risques, des plafonds sont imposés, tant au niveau des montants collectés par projet qu’au niveau des contributions individuelles.

  4. Protection des Contributeurs : La transparence est érigée en principe fondamental. Les plateformes doivent fournir des informations claires et précises sur les projets financés.

Cette réglementation constitue une avancée notable pour structurer le secteur et renforcer la confiance des investisseurs.

Entre 2019 et 2021, le crowdfunding au Maroc a permis de lever environ 3,7 millions de dirhams, finançant ainsi 171 projets via des plateformes locales et internationales. Ces initiatives, majoritairement concentrées à Casablanca et Marrakech, ont principalement porté sur des projets culturels, solidaires et humanitaires, reflétant l’engouement croissant pour ce mode de financement. Ce contexte a été renforcé par l’entrée en vigueur des textes d’application en 2023, précisant les obligations des plateformes et des porteurs de projets, et instaurant une supervision stricte par Bank Al-Maghrib et l’Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC).

Le financement participatif est ainsi devenu un outil clé pour compléter les sources de financement classiques, en réponse aux besoins des petites et moyennes entreprises (PME), des startups, ainsi que des initiatives à vocation sociale et environnementale. Le gouvernement marocain a intégré le crowdfunding dans une stratégie globale visant à diversifier les moyens de financement, en particulier pour les jeunes entreprises opérant dans des secteurs porteurs comme la technologie, l’agriculture, et l’économie verte. La supervision rigoureuse par les autorités garantit la transparence des transactions, protège les investisseurs et lutte contre des pratiques telles que le blanchiment d’argent. En parallèle, des mesures fiscales avantageuses ont été introduites pour encourager les investissements dans des projets locaux.

État des Lieux du Crowdfunding au Maroc

Selon un rapport publié par Happy Smala en 2024, entre 2021 et 2023, le Crowdfunding au Maroc a connu une progression notable, avec un montant total collecté de 10,9 millions de dirhams (MMAD) répartis sur 409 campagnes. Cette performance illustre l’essor de ce mode de financement alternatif, qui s’impose progressivement comme un outil essentiel pour répondre aux besoins diversifiés de financement dans un contexte marqué par les limitations des circuits traditionnels. L’analyse des données révèle une répartition significative des fonds entre deux types de campagnes principales : celles dédiées aux projets spécifiques et celles répondant à des besoins personnels.

Sur le montant total, 4,5 MMAD ont été collectés à travers des campagnes ciblant des projets entrepreneuriaux ou créatifs. Ces campagnes, souvent portées par des initiatives innovantes, témoignent de l’intérêt croissant pour des projets ayant un impact tangible, qu’ils soient économiques, sociaux ou culturels. Ce segment met en évidence une dynamique entrepreneuriale et une volonté de financer des activités qui contribuent directement à la création de valeur et à la croissance économique. En parallèle, 6,4 MMAD ont été levés via des campagnes à vocation personnelle, reflétant un recours significatif au Crowdfunding pour répondre à des besoins immédiats ou urgents. Ce chiffre révèle la capacité du Crowdfunding à combler des lacunes dans les systèmes de soutien existants, en particulier pour des causes individuelles.

Le nombre de contributeurs, qui s’élève à 15 296 participants sur la période analysée, témoigne d’un engagement notable de la part des citoyens et d’une reconnaissance importante de ce mécanisme comme un moyen de financement accessible et démocratisé. Avec une moyenne de 716 dirhams par contributeur, les données suggèrent une volonté des participants de s’impliquer financièrement dans des projets ou des causes qu’ils jugent pertinents. Cette moyenne, bien qu’indicative de contributions relativement modestes, souligne le caractère inclusif du Crowdfunding, permettant à un large éventail de la population de participer activement au soutien de diverses initiatives. Ces chiffres illustrent l’émergence d’une culture de Crowdfunding au Maroc, ancrée dans une dynamique de solidarité et d’innovation.

Les Plateformes Actives du Crowdfunding au Maroc

Le développement du crowdfunding au Maroc a conduit à l'émergence de plusieurs plateformes jouant un rôle clé dans la diversification des sources de financement, notamment pour les projets entrepreneuriaux, culturels et sociaux. Parmi ces plateformes, Cotizi, Akkan, Wuluj, Afineety, Simo & Co et Kiva se distinguent par leur contribution significative à l'écosystème entrepreneurial marocain.

  1. Cotizi :

Créée en 2013, est reconnue comme l’une des premières plateformes marocaines de crowdfunding. Elle repose sur un modèle de financement participatif basé sur les dons, offrant aux particuliers et associations la possibilité de collecter des fonds pour des projets variés, incluant des causes sociales, communautaires ou personnelles. La plateforme se distingue par son interface conviviale et sa transparence, permettant aux utilisateurs de suivre en temps réel l'évolution des campagnes. Cotizi a facilité le financement de nombreux projets dans des domaines tels que l'éducation, la santé et le développement communautaire, notamment dans un contexte où les modes de financement traditionnels restent limités pour des initiatives à petite échelle ou à fort impact social. Elle illustre son potentiel par des exemples concrets, comme celui d’un étudiant en médecine qui a pu financer ses études en France grâce à une campagne réussie. En facilitant l'accès à des financements alternatifs, Cotizi incarne un levier de solidarité et d’entraide, tout en s’adaptant aux besoins locaux pour renforcer l’adoption de ce mode de financement au Maroc.

  1. Akkan :

Fondée en 2020, AKKAN se positionne comme une plateforme de financement participatif axée sur l'investissement en capital et le prêt participatif, s'adressant principalement aux petites et moyennes entreprises (PME) et startups marocaines. Contrairement aux plateformes axées uniquement sur le don ou la prévente, AKKAN propose un modèle où les contributeurs peuvent devenir actionnaires ou prêteurs, participant ainsi directement à la croissance des entreprises financées. Cette approche vise à connecter les investisseurs, qu'ils soient particuliers ou institutionnels, avec des entreprises à fort potentiel, favorisant un écosystème entrepreneurial plus dynamique et diversifié. AKKAN se distingue par son engagement envers la transparence et la sécurité, utilisant des mécanismes de vérification et d'évaluation rigoureux pour assurer la confiance des investisseurs. La plateforme a notamment facilité le financement de plusieurs projets innovants dans des secteurs tels que l'agriculture durable, les énergies renouvelables et les technologies de l'information, offrant ainsi aux entreprises des ressources financières et un accompagnement pour leur développement. AKKAN, par son modèle hybride, aspire à un rôle central dans la structuration d'un marché de financement alternatif pour les PME et les startups, renforçant leur capacité à lever des fonds et à contribuer à l'essor économique du Maroc.

  1. Afineety :

Elle met l’accent sur le financement participatif par investissement, avec une approche ciblée sur les PME et startups à impact social et environnemental. Cette plateforme se distingue en permettant aux investisseurs de prendre des participations dans des entreprises prometteuses, leur offrant ainsi l’opportunité de bénéficier d’éventuels retours financiers en cas de succès des projets financés. Afineety garantit la transparence et la sécurité des transactions grâce à des mécanismes de vérification rigoureux, tout en soutenant une diversité de projets dans des secteurs tels que l’agriculture durable, la technologie et le tourisme. Par exemple, l’entreprise

  1. Simo & Co :

Spécialisée dans la gestion des déchets plastiques, Simo & Co a pu lever des fonds pour développer des technologies de recyclage innovantes. Afineety contribue ainsi à instaurer un climat de confiance dans le crowdfunding, tout en promouvant des initiatives entrepreneuriales responsables et durables.

  1. Kiva (au Maroc) :

Bien qu’étrangère, cette plateforme internationale a des opérations ciblées au Maroc, soutenant des projets sociaux et entrepreneuriaux dans les zones rurales.

Ces plateformes exemplifient les différentes modalités par lesquelles le crowdfunding s’adapte aux besoins locaux, tout en soutenant l’innovation et l’entrepreneuriat au Maroc. Leur complémentarité contribue à structurer un écosystème dynamique, offrant des solutions adaptées aux porteurs de projets et favorisant un impact économique et social durable.

Ces plateformes offrent des outils variés pour les porteurs de projets, mais elles doivent encore renforcer leur visibilité et leur crédibilité pour attirer un plus large public.

Les Facteurs de Succès du Crowdfunding au Maroc et défis à relever

Le crowdfunding est en train de devenir une solution essentielle pour le financement des jeunes entrepreneurs et des initiatives sociales au Maroc. Plusieurs éléments expliquent son essor et son efficacité en tant qu’alternative aux canaux financiers traditionnels.

  1. Accessibilité au financement

L’un des principaux avantages du crowdfunding réside dans la possibilité offerte aux porteurs de projets de lever des fonds sans les restrictions imposées par les institutions bancaires. Les jeunes entrepreneurs, souvent confrontés à l’exigence de garanties ou d’un historique de crédit, trouvent dans ce modèle de financement une solution adaptée à leurs besoins. Les plateformes comme Cotizi et Afineety permettent de simplifier le processus et d’élargir l’accès au financement, même pour ceux qui ne disposent pas d’un capital initial ou d’un réseau financier établi. Ce mécanisme favorise une plus grande inclusion économique pour les projets émergents.

  1. Mobilisation de la communauté

Le crowdfunding repose sur un engagement fort des réseaux sociaux, familiaux et professionnels des porteurs de projets. Cette approche tire parti de la culture marocaine profondément enracinée dans les valeurs de solidarité et de coopération. Les contributeurs perçoivent leur participation comme une forme d’appui à des initiatives porteuses de sens, créant ainsi un environnement où les projets bénéficient de soutiens à la fois financiers et moraux. De plus, grâce aux outils numériques, les campagnes peuvent atteindre des contributeurs éloignés géographiquement, ce qui amplifie leur portée et leur impact.

Les campagnes de crowdfunding permettent aux entrepreneurs de faire connaître leurs projets à un large public. En utilisant des outils numériques modernes et des plateformes interactives comme Wuluj, les porteurs de projets ont la possibilité de présenter leurs initiatives de manière originale et engageante. Cette visibilité est particulièrement importante pour attirer des contributeurs qui partagent les mêmes valeurs ou intérêts. Par ailleurs, les campagnes jouent un rôle de levier pour éveiller l’intérêt autour de problématiques sociales, environnementales ou culturelles, contribuant ainsi à une meilleure compréhension de ces enjeux au sein de la société.

  1. Soutien à l’innovation

Le crowdfunding se distingue par sa capacité à encourager des idées nouvelles et à soutenir des initiatives audacieuses. En s’appuyant sur des plateformes comme Afineety ou Cotizi, les entrepreneurs peuvent tester leurs concepts et recueillir des retours en temps réel de la part des contributeurs. Cette démarche permet d’affiner les projets tout en validant leur pertinence auprès d’un public cible. Elle ouvre également la voie à des solutions innovantes, en particulier dans des secteurs comme la technologie, la santé ou l’environnement, qui peinent souvent à attirer des financements via des canaux traditionnels.

  1. Culture marocaine de solidarité

La société marocaine valorise les principes de solidarité et d’entraide, ce qui constitue un socle favorable au développement du crowdfunding. Les campagnes qui s’appuient sur ces valeurs trouvent un écho significatif auprès des contributeurs, renforçant ainsi le lien social et l’adhésion à des projets communautaires ou individuels. Cette culture de l’engagement collectif renforce l’impact social et économique des projets financés par la foule, tout en instaurant une dynamique d’échange et de soutien au sein des communautés.

  1. Engagement de l’État dans la digitalisation

Le programme "Maroc numérique" représente un facteur structurant pour favoriser le développement du crowdfunding. En favorisant l’intégration des outils numériques dans les secteurs économiques et sociaux, ce programme contribue à créer un environnement plus favorable à l’essor des plateformes de financement participatif. L’amélioration de l’accès aux technologies numériques facilite la mise en relation des porteurs de projets et des contributeurs, tout en rendant le processus de collecte de fonds plus transparent et accessible.

  1. Initiatives gouvernementales pour les jeunes entrepreneurs

Le soutien institutionnel aux jeunes entrepreneurs est également un moteur du succès du crowdfunding au Maroc. Le Maroc a mis en place plusieurs initiatives gouvernementales pour soutenir les jeunes entrepreneurs afin de renforcer l'écosystème entrepreneurial et faciliter l'accès au financement. Parmi ces programmes, on distingue :

  •  Programme Intelaka : Lancé en 2020, Intelaka vise à faciliter l'accès au financement pour les très petites, petites et moyennes entreprises (TPME) et les jeunes porteurs de projets. Ce programme offre des crédits à des taux préférentiels, avec des garanties réduites, permettant ainsi aux entrepreneurs de concrétiser leurs idées. En 2024, Intelaka continue de jouer un rôle déterminant dans le soutien à l’entrepreneuriat au Maroc, aidant à transformer les idées novatrices en entreprises florissantes.

  • Programme Forsa : Lancé en mars 2022, Forsa est un programme ambitieux et novateur qui s’adresse à toutes les personnes âgées de plus de 18 ans porteuses d’idées ou de projets d’entrepreneuriat. Ce programme combine accompagnement et financement, offrant aux porteurs de projets une formation et un soutien financier pour concrétiser leurs initiatives. En 2023, Forsa a clôturé sa deuxième édition avec 11 200 porteurs de projets financés, dont 76% de jeunes, alignant ainsi ses objectifs sur la promotion de l’entrepreneuriat chez les jeunes Marocains.

  • Programme Awrach : Ce programme vise à créer des opportunités d'emploi temporaires pour les jeunes et les personnes en situation de vulnérabilité. En identifiant des secteurs prioritaires dans toutes les régions du Royaume, Awrach a permis la sélection de 574 entreprises pour employer des bénéficiaires, contribuant ainsi à l'insertion durable des jeunes sur le marché du travail.

Ces initiatives gouvernementales offrent un cadre structuré et un soutien financier aux jeunes entrepreneurs, complétant ainsi les opportunités offertes par le crowdfunding.

Pour que le crowdfunding atteigne son plein potentiel au Maroc, plusieurs autres éléments et conditions doivent être encore réunis pour assurer le succès de cette formule de financement et élargir son adoption :

  1. Une Réglementation Favorable : La loi 15-18 est un bon début, mais il faut garantir une mise en application effective et transparente.

  2. Digitalisation et Inclusion Financière : Avec la progression de la digitalisation et l’adoption des paiements électroniques, le crowdfunding peut devenir plus accessible.

  3. Sensibilisation : Des campagnes pour informer les citoyens sur le fonctionnement et les avantages du financement participatif sont indispensables.

  4. Support des Institutions : Les banques, les incubateurs, et les acteurs publics doivent encourager ce modèle pour créer un écosystème favorable.

  5. Confiance et Transparence : Les plateformes doivent garantir une gestion éthique et transparente des fonds collectés pour rassurer les contributeurs.

Conclusion

Le crowdfunding représente une formidable opportunité pour diversifier les modes de financement au Maroc. Avec une réglementation appropriée, des initiatives locales dynamiques, et une meilleure sensibilisation du public, ce modèle peut jouer un rôle crucial dans le soutien aux entrepreneurs, aux artistes, et aux projets communautaires.

Dans un pays où l’accès au financement reste un défi majeur, le crowdfunding constitue une réponse innovante qui mérite d’être explorée et promue.

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